Herbert tâta l'enveloppe avant de l'ouvrir, comme s'il voulait pouvoir s'imprégner de ses effluves… L'écriture était élégante. Il courut à la signature, vit qu'il s'agissait d'une certaine Élisabeth Belgarde, demeurant à Rostov-sur-le-Don, port fluvial russe, près de la mer d'Azov. L'histoire qu'elle lui contait n'avait rien que de très banal. Les hôpitaux psychiatriques ne manquent pas de patients ayant perdu le souvenir de leur vie passée. Cependant, comme il était question d'une jeune femme, recueillie en Ukraine, dans une rue de Makiivka, il se dit qu'il tenait peut-être entre ses mains quelque chose de concret. Cette jeune femme pouvait-elle être Amalia ? Sa correspondante la décrivait comme étant âgée d'environ trente-huit ans, parlant couramment le russe, se souvenant seulement de quelques passages de son roman Trois nuits avec vous . « Sorti en librairie au printemps 2013 ! » se remémora-t-il. Il répondit d'emblée à l'adresse mail qu'il trouva en bas de page : « Pourriez-vous, Madame, m'envoyer une photo de votre amie, ce qui me permettrait de savoir si je l'ai rencontrée au cours d'une signature. Mais peut-être n'y assistait-elle pas ? Je reste, Madame, à votre disposition, si vous le jugez bon et surtout utile… » Il termina avec les formules choisies d'usage. Dans la foulée, il fit des recherches sur Internet. « Belgarde » un nom qui n'avait rien de russe. Il en trouva plusieurs en France dont un en Vendée, celui d'une famille ayant eu à subir, sous le joug de Robespierre, les méfaits de la Révolution. Cette Élisabeth Belgarde en descendait-elle ? Dans les deux semaines qui suivirent, aucune réponse ne lui parvint et de photo pas davantage. Bientôt il se reprocha de ne pas avoir suffisamment encouragé sa correspondante à reprendre contact avec lui. Cet après-midi-là, alors qu'il s'interrogeait jusqu'à envisager de se rendre à Rostov-sur-le-Don pour voir la personne dont elle lui parlait, Loïc lui annonça qu'Ouragan venait d'être vendu. - Je vous assure, Herbert, c'est inespéré ! Grâce à cette transaction, je vais pouvoir continuer d'entretenir le domaine jusqu'au retour de ma femme, puisque je ne peux plus me fier aux apports générés par les récoltes. Vous savez qu'à moins de cent kilomètres, les champs de blé et d'orge sont régulièrement incendiés. Tout s'est fait très vite. Nous n'avons pas eu à transférer Ouragan. Un van attendait devant le portail du haras. - Qui est l'heureux acquéreur ? - Un Anglais, Sir Edgar Drover, que nous avions eu l'occasion de rencontrer à Ascot. Il faut croire qu'Amalia lui a fait forte impression, car il a demandé à emporter le portrait, dont est orné le bureau, qui la représente en grande tenue d'amazone, montée sur Ouragan, portrait exécuté lors des fêtes célébrant à Vichy l'empereur Napoléon III. Nous y assistions tous les ans. Pensant qu'il s'agissait là d'un caprice de milliardaire, notre régisseur s'apprêtait à le lui refuser quand il a senti que s'il ne le lui donnait pas, la vente risquait d'être compromise ! - Un alezan contre un tableau ! Voilà qui ne manque pas d'originalité ! - Que voulez-vous, partout où elle passait, Amalia laissait à chacun un souvenir impérissable ! « Dans le cas de Sir Edgar, jugea Herbert, il s'agit d'autre chose. » Et son esprit de romancier de galoper plus vite qu'Ouragan en pleine course et de décider qu'il n'était plus temps d'attendre sempiternellement ! On avait attendu la demande de rançon… attendu l'arrestation des coupables. De ce côté-là au moins c'était fait ! Le quatuor infernal que représentaient Vladimir Batcov, sa mère et ses deux frères était
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