L'arrestation, qui avait eu lieu trois semaines plus tôt, s'était révélée plus facile qu'on ne l'avait craint. Le lieutenant Éric Sylvestre et son équipe avaient encerclé l'homme dès sa sortie du Grand Rex, peu avant minuit, dans le vacarme et les lumières tapageuses des festivités de Halloween. Dans un premier temps il avait tenté de se rebiffer avec une rage farouche (les douze policiers se souviennent encore de ce cri invraisemblable qu'il avait poussé sur le trottoir, ce rugissement rauque et inhumain qui avait résonné dans tout le quartier et sidéré la foule). Puis, une fois vigoureusement plaqué au sol, il s'était laissé menotter sans plus de résistance. L'enquête, auparavant, avait été longue et chaotique, émaillée de fausses pistes et de témoignages à la fiabilité très relative. D'une ville à l'autre (Paris, Strasbourg, Gérardmer, San Sebastián), quelques noctambules plus ou moins alcoolisés l'avaient vu s'enfuir avant l'aube dans des couloirs d'hôtels ou des halls de boîtes de nuit. Ces témoins le décrivaient hagard, aux abois, le col de chemise ou de manteau taché de sang. Plutôt jeune et bel homme, grand, mince, les pommettes saillantes, les cheveux noir corbeau coiffés en catogan. Vêtu de couleurs sombres et portant des lunettes noires en permanence. Le teint blême. Laborieusement, au fil des mois, on était parvenu à établir un portrait-robot exploitable et largement diffusé dans les médias, ce qui s'avéra utile. En trois décennies d'une carrière bien remplie, le lieutenant Sylvestre n'avait jamais vu un truc pareil. Six crimes en moins de deux ans, portant ostensiblement la même signature et les mêmes traces ADN, témoignant tous d'une atrocité peu commune. Les corps des six victimes, quatre femmes et deux hommes, avaient été retrouvés égorgés, bestialement mordus au cou et partiellement vidés de leur sang. Au point qu'on avait d'abord cru à l'agression d'un fauve ou d'un
Le contenu complet de cet article est réservé aux abonnés. Vous pouvez également acheter Nous Deux n°4091 au format digital. Vous le retrouverez immédiatement dans votre bibliothèque numérique KiosqueMag.
Voir plus