La tempête a emporté mon mari. C'est du moins ce que tout le monde a longtemps cru. Jusqu'à ce que je mette la main sur cette enveloppe en papier kraft. Je m'appelle Rosa et ce garçon-là, sur la photo de classe que je viens d'exhumer d'un carton dans le grenier, c'est Victor, le fils de Madame Robidel, l'institutrice qui a fait la classe dans notre petit village de Brival, dans la vallée d'Auge, jusqu'à sa mort à la fin des années 1990. Il me semble que son prénom était Solange, il faudrait que je demande à Tonio, mon frère aîné, qui l'a connue plus longtemps que moi puisqu'il a redoublé le CM2 et qu'il l'aurait même sans doute triplé si ma mère avait écouté mon père. Nous n'étions pas riches, mais nous n'avons manqué de rien, et il nous suffisait d'avoir un vélo pour être heureux. C'est d 'ailleurs ainsi que nous allions à l'école, à trois kilomètres de la maison. Mon père était maçon et ma mère repasseuse à domicile. Nous les avons perdus le même jour dans un accident de voiture alors qu' ils étaient partis faire les courses en ville. Mon père conduisait, c'était l'hiver, il y avait du brouillard. Un tracteur a surgi de nulle part, la voiture s'est encastrée dessous. Tonio allait avoir 18 ans et moi 16 ans. Nous avons eu le droit de voir notre mère, mais pas notre père. On nous
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