PARTIE DEUX Roseta Des vignes, des vignes, des vignes à perte de vue… Puis la voiture entra dans un petit bois, bien rafraîchissant avec cette canicule, et en sortant du bois, ils aperçurent, niché dans le creux d'une vallée, le château, reconnaissable avec ses tuiles rouges, ses murs blancs et ses volets peints en bleu. Un chemin de terre sinueux les conduisit devant un portail en fer forgé où s'entrelaçaient les lettres D et V. De l'autre côté de la grille, la cour d'honneur avec un puits, et, à l'arrière, la façade du manoir. Un comité d'accueil attendait leur arrivée ; monsieur le maire et madame, le notaire et son épouse, monsieur le curé, des viticulteurs et leurs dames, deux nobliaux des châteaux voisins avec leur progéniture. Tout ce monde-là s'était endimanché. Costumes sombres pour les hommes, robes fleuries pour les dames. En face : deux vigoureux gaillards qui les dépassaient de la tête, cheveux longs jusqu'aux épaules, pas rasés, chemisettes qu'ils venaient hâtivement de boutonner. Ils ressemblaient fort à deux forbans échappés d'une bande dessinée. Mais de larges sourires, les yeux bleus pétillants de gaieté, la main tendue. L'atmosphère fut soudain détendue, d'autant que ces Américains parlaient parfaitement le français. Sur des tréteaux attendaient des tartes confectionnées par ces dames, des gâteaux et des fruits. Dans une bassine remplie de l'eau du puits, on avait déposé des bouteilles des grands crus de la région (montrachet, chambertin, chablis) que l'on comptait bien faire goûter et regoûter à ces buveurs de Coca-Cola ! De fait, dès le troisième verre, ces notables, très joyeux, tombaient la veste et ces dames riaient un peu trop haut. Les gardiens avaient ouvert les portes-fenêtres du rez-de-chaussée, enlevé les housses sur les meubles et préparé deux chambres de maître, avec des lits à colonnes. On expliqua aux nouveaux propriétaires que lorsque l'électricité avait été installée dans le village, on avait cru bon de conserver le côté authentique du château : on leur montra donc le fonctionnement des lampes à pétrole. Quand tout le monde fut parti, les jumeaux visitèrent les pièces du bas, s'attardèrent sur les portraits de leurs ancêtres. Sur une commode était placée une photographie représentant le savant Jean de Vales recevant les palmes académiques. Dans la bibliothèque tapissée de livres richement reliés, ils se choisirent des romans d'aventures faciles à lire, après cette journée épuisante, Bertrand Le Comte de Monte Cristo d'Alexandre Dumas et Baptiste Les Mystères de Paris d'Eugène Sue. Puis, bien calés dans leurs oreillers de plumes, ils lurent une partie de la nuit avant que des songes tumultueux viennent troubler leur sommeil. Le lendemain très tard, ils décidèrent, pour se mettre en forme, d'un footing, en short de sport et débardeur. Après avoir traversé le petit bois, ils débouchèrent sur la place du village, occupée en grande partie par la terrasse d'un café à l'enseigne Du soleil d'or. Ils commandèrent deux petits déjeuners qu'on leur servit à la française, c'est-à-dire deux
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