Lorsque Alice aperçut de loin, à un détour du chemin qui menait au château, une silhouette sur le perron, elle crut voir le maître des lieux, le comte de Hautefeuille. Sa vision se précisa peu à peu. L'homme, d'une quarantaine d'années, était grand et mince, se tenait très droit, dans une posture quasi militaire. Ses cheveux bruns, apparemment gominés, étaient soigneusement rejetés en arrière. Il semblait bomber son torse, recouvert d'un impeccable plastron blanc, surmonté d'un nœud papillon de la même couleur. Sa mise le désignait finalement comme le majordome du château, monsieur Dutil, avec lequel elle avait rendez-vous. Il la regarda, un peu circonspect, avancer vers lui. Lorsqu'elle fut à sa hauteur, elle afficha un sourire, tendit la main. - Monsieur Dutil ? - Mademoiselle Nollet, je présume ? se contenta-t-il de répondre. Il la précéda, ouvrit un des battants de la haute porte, eut un bref salut de la tête et s'effaça pour la laisser entrer. Sans un mot, il parcourut à ses côtés un long couloir, ouvrit la porte d'un bureau, le sien, apparemment. Elle s'assit en face de lui, croisa les mains sur ses genoux, tandis qu'il ouvrait une enveloppe. - Vous postulez à la place de gouvernante, n'est-ce pas ? lâcha-t-il enfin. - En effet. Alice s'efforçait au calme, consciente qu'elle jouait en ce moment la suite de sa carrière. - Vos références sont excellentes, j'en conviens, poursuivit monsieur Dutil. C'est pourquoi je vous ai demandé de venir aujourd'hui. Mais vous serviez auparavant dans une maison infiniment plus modeste que la nôtre. - Oui, reconnut Alice. Mais j'aspire à m'élever dans ma profession et je ne crains pas le travail que demande un poste de gouvernante dans une aussi grande demeure. - Le personnel est effectivement très nombreux. Le château comporte trente pièces qui, même si elles sont rarement occupées simultanément, sont constamment entretenues. Nous recevons souvent des visiteurs de dernière minute, répondit le majordome en se rengorgeant imperceptiblement. - C'est un défi que je suis prête à relever, affirma Alice. - Certes, certes… Votre ambition est louable. Toutefois, je lis que vous n'avez que trente ans. C'est
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