La pendule murale égrenait les secondes dans un silence feutré. Sylvaine retira ses lunettes et les posa sur le bureau en bois clair, à côté de son stéthoscope. Une dernière fois, elle parcourut la pièce du regard : les étagères aux dossiers bien rangés, le vieux fauteuil de consultation, la plante verte qu'une patiente lui avait offerte il y a des années. Tout lui paraissait soudain étranger. Elle ouvrit la fenêtre pour laisser entrer l'air frais du matin. La rue Saint-Exupéry s'étirait sous le ciel pâle. Les premières lumières du Bar des Amis scintillaient déjà au coin de la place du Marché. Elle entendait, au loin, le carillon de la cathédrale Saint-Étienne, un son familier qui, aujourd'hui, résonnait différemment. Un coup discret à la porte la fit sursauter. - Entrez, dit-elle d'une voix adoucie. La porte s'ouvrit sur Martine, son amie et ancienne collègue. Plus jeune qu'elle d'une dizaine d'années, Martine avait longtemps partagé les gardes au cabinet. Son visage portait un sourire doux, quoique teinté d'une certaine gêne. - Tu es prête ? demanda Martine. Sylvaine hocha la tête. Elle referma son dernier dossier, le glissa dans un tiroir et éteignit la lampe de bureau. Le claquement sec de l'interrupteur sembla clore plus qu'une simple journée de travail. En sortant, elles longèrent ensemble la place de la Mairie. Le matin s'animait lentement : la factrice poussait son vélo, Momo l'épicier déballait ses cageots de fruits devant sa boutique, et Maurice, le patron du Bar des Amis, s'affairait à installer la terrasse. La ville s'éveillait, indifférente à ce chapitre qui se refermait dans la vie de Sylvaine. - Tu vas faire quoi, maintenant ? demanda Martine, la voix un peu trop légère. Sylvaine haussa les épaules. - Je ne sais pas trop. Prendre le temps. M'occuper du jardin, peut-être. Elles passèrent devant le food truck SunShine, qui venait tout juste d'ouvrir. L'odeur de coriandre et de citronnelle flottait dans l'air, apportant un peu d'exotisme à la place du Marché. Derrière le comptoir, un homme grand et mince rangeait des boîtes de provisions. Martine remarqua le regard de Sylvaine qui s'attarda sur lui. - Il est nouveau ? demanda Sylvaine. - Oui. Il s'appelle Timoté. Un Haïtien, arrivé il n'y a pas longtemps. Il aide le couple vietnamien. Je crois qu'il est médecin, lui aussi. Sylvaine fronça les sourcils, intriguée. - Médecin ? - C'est ce qu'on dit, répondit Martine avec un haussement d'épaules. Elles poursuivirent leur chemin, mais Sylvaine jeta un dernier regard au food truck avant de tourner au coin de la rue. Le vent souleva doucement les feuilles des platanes, et Sylvaine sentit une étrange légèreté s'emparer d'elle. Pour la première fois depuis longtemps, elle n'avait plus d'horaires, plus de responsabilités. Juste la promesse floue d'un demain inconnu. Le Bar des Amis les accueillit dans sa chaleur familière. Maurice, derrière son comptoir, leva la main en guise de salut. - Les filles ! Un café comme d'habitude ? Elles prirent place à leur table attitrée, près de la fenêtre donnant sur la rue pavée. Martine sirotait son café en jetant des regards furtifs à son amie. - Ça te fait quoi d'arrêter ? Sylvaine haussa les épaules. - Je ne sais pas encore. C'est étrange. Comme si je laissais derrière moi une partie de moi-même. Martine posa sa tasse. - Tu ne vas pas t'ennuyer, au moins ? Sylvaine sourit faiblement. - Peut-être. Mais j'ai besoin de souffler un peu. Le silence s'installa entre elles, seulement troublé par le cliquetis des cuillères dans les tasses. À travers la vitre, Sylvaine aperçut Timoté
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