Par SMS, je lui demande si elle veut bien m'accorder un entretien. Deux jours tard, elle me laisse un message vocal. Oui, bien sûr, le problème est : quand ? Elle m'envoie son planning. Je propose de la rejoindre en Israël. Il y aurait matière à un beau reportage. Ce n'est pas une bonne idée. Elle sera très prise. Des concerts, des répétitions… Alors quand ? Sa fille Stéphanie fête bientôt ses cinquante ans à Genève. Je suis invité, et elle y sera. On pourrait se voir le lendemain, avant son départ pour Lugano. Elle ne répond rien. Ce qui veut dire : pourquoi pas, qui vivra verra. Le soir de la fête, on bavarde un peu. J'attends le bon moment. Elle fait la grimace. Demain ? Charlie Dutoit doit venir la voir. Le reste du temps, elle dort, épuisée par ses voyages. Je n'insiste pas. Le lendemain, Ygal, un ami commun, se propose d'inviter Martha et Charlie à dîner. Une fois le chef d'orchestre (un couche-tôt notoire) dans les bras de Morphée, j'aurai le champ libre. Finalement, Charlie ne vient pas. Oui, elle veut bien se joindre à nous pour dîner. Tandis que la viande finit de cuire, nous allons la chercher. Telle la Fée bleue dans Pinocchio, elle descend de son appartement du quartier de la Terrassière. Nelson Goerner y habitait avant qu'on lui prête une maison au bord du lac. C'est minuscule (le piano occupe tout le salon), mais elle peut y travailler. Son pas est leste. Je suis frappé par sa vitalité. Elle est fatiguée, plus toute jeune, mais incroyablement vive et robuste. Le repas est très agréable, doux, animé, joyeux. Au menu, des radis à la crème, du poulet rôti, des pommes de terre aux oignons, des petits pois frais, une salade verte - « Un repas sans salade n'est pas un repas », dit Martha -, une bonne bouteille de rouge et une salade de fraises et de mangue. Après manger, Ygal s'éclipse avec tact, je me retrouve seul avec elle. Comment vous sentez-vous, en ce moment, vis-à-vis du métier ? Martha Argerich : Je ne sais pas. C'est bizarre de l'appeler métier, parce que je ne fais que ça. C'est toute votre vie ? M. A. : C'est ce qui m'occupe le plus, en ce moment. Beaucoup plus qu'autrefois. Pourquoi ? M. A. : (sourire) Parce ce que ça reste, alors que le reste non… Je ne veux pas devenir triste, mais c'est la réalité… Ça a toujours été là, depuis que j'ai trois ans, mais différemment. Je joue plus qu'avant, je voyage tout le temps,
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