Roseline déposa le gâteau qu'elle venait de sortir du four sur le coin de l'évier. Une délicieuse tarte aux prunes de son jardin qui embaumait toute la maison. Elle aurait le temps de refroidir avant que les enfants ne rentrent de l'école. Ils seraient ravis d'en déguster une belle part pour le goûter. Philippe et Sylvie, les deux amours de sa vie, grandissaient bien trop vite ! Philippe avait déjà 10 ans et Sylvie, presque 9. Leur mère appréhendait le jour où ils quitteraient le nid, mais il fallait bien que cela arrive. Issu d'une fratrie de neuf enfants, Jacques aurait bien voulu un troisième, et même un quatrième, puis un cinquième, mais Roseline faisait tout pour l'éviter et ce n'était pas facile, il lui fallait ruser. Elle avait envie de travailler à l'extérieur, même si Jacques y était fermement opposé. À la maison, elle ne manquait pas d'ouvrage, mais avec les enfants à l'école, elle se permettait de rêver un peu. Le travail, ça lui aurait permis d'ouvrir un compte en banque et de ne plus avoir à demander d'argent à son mari. Une loi venait d'être votée qui l'y autorisait désormais. La loi du 13 juillet 1965 n'était pas passée inaperçue. Dans la salle d'attente du médecin où elle avait emmené Sylvie pour son vaccin, le magazine avait circulé de main en main et elle avait relu l'article plusieurs fois. Elle avait eu envie de sauter de joie, mais Marthe, sa vieille voisine, l'observait du coin de l'œil, alors c'est à peine si elle avait osé esquisser un sourire. Marthe clamait que si les femmes s'émancipaient, tout irait à vau-l'eau, que ce serait la fin de la famille. Roseline ne savait que penser, mais une petite brise de liberté la faisait frémir. Son amie Françoise lui avait dit qu'elle pourrait même déposer le chèque des allocations familiales sur son compte personnel, que c'était ce qu'elle allait faire, elle, parce qu'elle en avait marre que son mari boive tout l'argent du foyer avec ses amis. Il ne serait pas content, sûrement qu'il pousserait une bonne gueulante, qu'il casserait un peu de vaisselle, mais il n'aurait pas le choix. Elle ne
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