À la veille de la Première Guerre mondiale, l'armée russe, malgré ses faiblesses, possède deux atouts : son alliance française et, surtout, un réservoir humain en apparence inépuisable. Pourtant, elle est battue à Tannenberg (voir l'encadré p. 72) en août 1914, et elle n'atteint pas ses objectifs en Galicie, malgré des succès face à l'armée austro-hongroise. Cet échec et ce demi-échec s'expliquent par l'adoption d'un plan stratégique mi-figue mi-raisin, qui refuse de choisir entre deux options plus radicales : aller vers Berlin ou viser le Danube. L'alliance nouée entre la France républicaine et la Russie tsariste, en 1892, contribue à un décollage économique russe, notamment ferroviaire (les célèbres emprunts russes), ainsi qu'à une réorganisation militaire. Cette remontée en puissance, bien que freinée par les intrigues au sommet de l'armée, inquiète de nombreux officiers allemands qui considèrent que le temps joue en faveur de leurs adversaires. En 1905, le haut commandement de la Deutsches Heer (l'armée de Terre de l'Empire allemand) adopte le plan Schlieffen. Remodelé à plusieurs reprises jusqu'en 1914, il prévoit de concentrer l'essentiel des troupes, soit sept armées, à l'Ouest afin de détruire l'armée française, avant l'achèvement de la mobilisation russe qu'on suppose très lente. La France hors jeu, les stratèges allemands concentreront leurs efforts sur la Russie. L'idée, alors, n'est pas de conquérir des territoires, mais plutôt d'obtenir une paix de compromis. D'ailleurs, aucun plan d'opération n'a été conçu par les Allemands pour une guerre à l'Est. Le plan 19 saboté par les divisions Dans le camp russe, les planificateurs doivent privilégier un des deux adversaires (Allemagne ou Autriche-Hongrie) et satisfaire aux demandes de l'allié français. Intenses, les réflexions débouchent en 1910 sur le plan 19. Proposé par le général Youri Danilov (1866-1937), ce plan opte pour une offensive prioritaire contre l'Allemagne à la grande satisfaction de Paris, qui espère qu'une attaque russe massive divertira le maximum de forces adverses. Saint-Pétersbourg (rebaptisée Pétrograd le 18 août 1914 pour éviter le « bourg » germanique) jouerait ainsi la carte du bon allié. Logiquement, Danilov cible la Prusse-Orientale, avec deux arguments de poids. D'abord, il insiste sur la vulnérabilité de cette province, peu défendue
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