Alors que Simon Goldwish hurlait dans le combiné en bakélite de l'un de ses six téléphones, une jeune femme que nul ne connaissait emboîta le pas à sa secrétaire et s'enferma avec eux dans le bureau. Simon Goldwish était le producteur exécutif de Rome on Fire , un énorme péplum américain avec, en vedette, le célèbre Victor M. dans le personnage de Néron. Cette grosse production devait être diffusée dans les salles de cinéma, dès l'hiver 1956, en Technicolor. Le jeune producteur avait loué Cinecittà pour un an et avait rempli les studios de décors aussi fastueux qu'inutiles. Sur le vaste terrain, il avait reconstruit l'ancienne Rome impériale ou, tout au moins, les lieux qui semblaient incontournables comme le Forum ou la Domus Aurea. Il avait failli ajouter le Colisée. Quoi qu'il en soit, tout cela allait brûler à l'heure H du jour J, tandis que Néron jouerait de la lyre à la lueur des flammes. Mais, pour le moment, Simon avait un souci plus immédiat. Parmi d'autres innombrables accessoires, le producteur avait loué cinq cents chevaux qu'il avait décidé de les garder à demeure, à Cinecittà, plutôt que de les faire déplacer chaque jour. Il avait donc transformé en écurie un plateau désaffecté et avait naturellement engagé le personnel nécessaire à l'entretien de la cavalerie. Tout marcha à la perfection les trois premiers mois, d'autant plus qu'à la suite de certains changements apportés au scénario, on n'eut pas besoin des chevaux qui engraissaient paisiblement. Mais un matin, certains travailleurs romains se mirent en grève, entre autres ceux qui étaient préposés au soin des chevaux. Les animaux, laissés ainsi sans surveillance ni traitement, ne sortaient plus et bientôt ils stagnèrent, affamés, dans leurs propres immondices. La durée d'un conflit syndical est toujours incertaine. Personne ne s'inquiéta de la situation dans les écuries aménagées. Et certainement pas Simon Goldwish qui se moquait pas mal du bien-être animal.
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