Esther se rappela soudain que le lendemain, Madeleine n'aurait pas classe dans la mesure où c'était le jeudi saint. Un chemin de croix était organisé à la pension. Esther avait envisagé d'y participer mais, dans l'état actuel des choses, elle refusait de s'éloigner de Nonna. Les prières, elle les dirait à son chevet. Le bon Dieu comprendrait… - Esther ! chuchota soudain la vieille dame en entrouvrant les paupières. - Je suis là, Nonna. Repose-toi. - La petite va rentrer de l'école… - Madeleine est chez Roberta, ne t'inquiète pas. - Esther, écoute… Les mêmes mots que Marco ! La même voix, au bord de ses lèvres décolorées. - Repose-toi, Nonna, ordonna la jeune fille. - La carte postale… dans le tiroir de la commode. Tu trouveras… Le souffle lui manquait. Elle toussa un peu et referma les yeux. La main qu'Esther avait agrippée était froide, les doigts comme engourdis, mais sitôt que sa petite-fille fit mine de s'en détacher, elle se cramponna à la sienne. - Tu dois m'écouter, répéta Nonna. Sa respiration, de plus en plus saccadée, était à elle seule le témoin d'un inéluctable dénouement contre lequel Esther tentait de lutter, par les prières et la pensée. Elle laissa encore s'écouler quelques minutes puis, de nouveau, elle s'employa à dégager ses doigts prisonniers, avec succès, cette fois. - Je reviens tout de suite, chuchota-t-elle. Elle traversa la salle sur la pointe des pieds, à la seule lueur des veilleuses. Dans le petit bureau adjacent, une religieuse montait la garde, assise devant un bureau couvert de paperasse. - S'il vous plaît, implora Esther, ma grand-mère ne va pas bien du tout. Elle suffoque. On dirait qu'elle a de la difficulté à respirer… - Allons voir cela, dit la religieuse en se levant. Bien sûr, il était trop tard. Esther aurait dû le savoir. Elle avait promis de ne plus jamais la quitter des yeux et voilà que le filet de voix en avait profité pour s'éteindre. -Oh, mon Dieu, non! laissa-t-elle échapper dans un sanglot. - Il faut vous en aller, maintenant, mon petit, disait la religieuse. Nous allons nous occuper de votre grand-mère. Vous reviendrez demain matin. - Mais je ne peux pas l'abandonner… - Elle n'est pas seule, soyez sans crainte. - Elle a besoin de moi ! s'écria Esther en serrant les poings. Je ne veux pas m'en aller. Laissez-moi encore un moment avec ma Nonna, je vous en prie ! On le lui avait permis, finalement. Mais à présent, Nonna dormait dans le petit cimetière où l'attendait depuis plus de quarante ans le père d'Angelina, l'amour de sa jeunesse. Un homme dont Esther n'avait jamais entendu parler… De retour dans l'appartement de son aïeule, aux petites heures du matin, la jeune fille avait reçu la visite de Daniela, la voisine du dessous. C'était elle qui, alertée par les cris de Madeleine, s'était occupée de faire transporter Nonna à l'hôpital le plus proche. Esther et elle s'étaient réconfortées mutuellement, puis la jeune fille avait fait du café. Daniela s'était attablée, désireuse de bavarder un moment. Esther aurait préféré
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